Le chaman, l'ordre et le chaos...

Publié le par Rémi Remoussenard

Me voici à nouveau devant mon clavier, avec un titre posé (imposé?), comme un appel à expliquer en quelques lignes ce qui pour moi est à la fois du domaine du "grand tout" et de l'imbroglio infini... Pour éviter de trop disperser mon propos, je vais essayer de rester dans le domaine du soin, et expliquer en quoi l'ordre et le chaos y ont bien leur place...

Au premier abord, dans notre culture, l'ordre est quelque chose de sain et souhaitable, tandis que le chaos est synonyme de folie et de potentiellement dangereux. L'ordre est souvent perçu comme confortable parce qu'installé, constant, et donc connu. Rassurant.

Mais la vie est faite d'inconstances. Tout bouge autour de nous: nos relations (voir Couple, séparation et chamanisme), notre environnement, et même notre corps change au cours du temps. Par conséquent, l'ordre efficace et harmonieux d'hier peut très bien se trouver aujourd'hui inadapté.

Et puis, comme il y a des ordres installés, il y a aussi des désordres installés. Des maladies chroniques. Le mauvais positionnement d'un pied pendant la marche qui va, à terme, affecter l'ensemble de la colonne vertébrale. Les mêmes schémas de relations malheureuses que l'on reproduit tout au long de sa vie. Ou qui se reproduisent au travers des générations d'une famille...

Lorsque notre corps est atteint par une maladie infectieuse, il déclenche une fièvre. Ces quelques degrés de plus, relativement extrêmes pour lui, constituent un "chaos" venu secouer ce qui s'est établit en lui. On peut aussi voir de cette façon (parmi beaucoup d'autres!) le rituel de purification qu'est la hutte de sudation...

Les animaux (et quelques humains bizarres comme les chamans!) ont souvent recours au jeûne et à la purge (nos chiens et chats mangent des herbes pour provoquer une "vidange" de leur tube digestif) pour lutter contre la maladie...

L'ordre peut être également synonyme de figé. La fantaisie, la surprise et la créativité, tout comme le rire, n'y ont pas leur place. Ni la remise en question de l'existant.

En France, les rois ont eut leurs fous, que j'appellerais bien "bouffon", si le terme n'avait pas de nos jours une connotation différente, loin de son étymologie: le "bouffon" était proche de la prêtrise, puisque lié au sacrifice du "boeuf"...

Ce rôle très ancien (puisque déjà présent dans l'antiquité grecque) et universel (les sioux Lakota ont leurs Heyokas, qui font tout à l'envers, voir à ce propos cet article sur les heyokas) a été, paradoxalement, considéré comme assez sérieux pour qu'il existe sous François 1er une "école des fous"...

Leur fonction était certes de distraire, mais aussi de penser et agir en dehors du système, en dehors des convenances de la bienséance (ce qui était souvent risqué pour eux), et de donner un éclairage différent des personnes et de leurs agissements. Ils apportaient ainsi à leur roi la force de l'imprévisible. Quel ennemi (intérieur ou extérieur) pouvait prévoir les décisions d'un roi conseillé par un fou?

Mais, si l'ordre est un handicap, et si le chaos est insaisissable, à quoi peut-on se rattacher? Et, pour revenir aux soins chamaniques, comment le chaman peut-il savoir ce qu'il doit faire?

Il existe tout de même une sorte de chaos ordonné, ou un ordre chaotique. C'est l'état, que j'ai déjà évoqué dans le chaman et l'Amour, d'une forêt naturelle. Personne n'y a placé tel arbre ou tel écureuil à tel endroit. Tout grouille de vie, et chacun y est à sa place. Sauf, bien sur, la boite de conserve et la bouteille abandonnés là par un promeneur négligent...

Je fréquente souvent les forêts, et j'ai presque toujours un sac poubelle pour "extraire" les ordures que j'y trouve. C'est ma façon de donner à la forêt en retour de ce qu'elle m'apporte.

C'est comparable à la manière dont je perçois les choses pendant un soin. Ce qui n'appartient pas à la forêt est évident, ce qui n'appartient pas à la personne qui reçoit le soin l'est aussi. Les lacunes le sont tout autant, ainsi que les pièces du puzzle de l'esprit que je dois retrouver...

C'est une affaire de connexion... De perceptions. Tous les êtres vivants de la forêt communiquent sans cesse. Les arbres ont des échanges chimiques par leurs racines. Les écureuils et les lapins comprennent les cris d'alerte de toutes les espèces d'oiseaux présentes...

C'est notre mental qui veut tout ordonner, mais il n'est bien souvent qu'un discours intérieur qui tourne en rond comme un fou interné!

La présence, ou la conscience, est bien plus dans l'attention portée à la perception de ce, et de ceux, qui nous entourent.

C'est, pour notre esprit, comme une respiration... Loin de nous éventer, elle nous fait vivre!

Alors, oxygénons-nous la tête, et bonne ballade en forêt!

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