Peut-on vérifier le chamanisme?

Publié le par Rémi Remoussenard

La question me rappelle un qualificatif que l'on peut parfois lire: "Chaman Authentique"... Qui me fait sourire, parce que j'aime bien l'humour noir, et que j'imagine, sur une carte de visite, la mention "Chirurgien Authentique"... De quoi faire froid dans le dos!

Mais la profession de chirurgien nécessite un diplôme, qui assure un niveau minimum (sans toutefois éliminer les différences de niveau), tandis qu'il n'existe pas, à ma connaissance, de diplôme de chaman... Et c'est, à mon avis, très bien ainsi! Mais alors, peut-on vérifier que le chamanisme fonctionne, et que l'on a affaire à un chaman, euh... Authentique? 

La formation du chaman

On me demande parfois: "Est-ce que le chamanisme est un don, ou est-ce que ça s'apprend?" On peut toujours débattre de la réponse, et on peut trouver, par exemple sur les réseaux sociaux, de vifs échanges quant au "minimum requis" pour être chaman. En caricaturant les choses, les avis vont de ceux qui  disent que c'est un don, et donc que peu de formation serait nécessaire, à ceux qui ne jurent que par un long apprentissage auprès d'un chaman lui-même issu d'une longue lignée...

Pour moi ces deux façons de voir ont leurs limites...

Le chamanisme serait un don? Pourtant, il se base sur la modification d'état de conscience, dont toute personne avec un minimum de santé mentale est capable... Nous rêvons tous (sans forcément nous souvenir de nos rêves), et le rêve est un état de conscience fortement modifié... J'aime bien ce que dit Laurent Huguelit, un des chamans auprès de qui je me suis formé: "Si vous pouvez imaginer une pomme, alors vous pouvez faire un voyage chamanique..." (au sujet du voyage chamanique, voir La transe, le voyage chamanique... Et la folie!)

La transmission issue d'une longue lignée parait solide... En même temps, elle n'a que la solidité des individus qui la composent... Avec leurs limites d'êtres humains... Peut-on être sûr que personne n'aura, au travers du temps, dévoyé, ou appauvri, la tradition? Et puis, cette tradition, si elle a été intégralement transmise en mode copier/collé, est elle encore assez vivante pour être adaptée au présent? Sera-t-elle adaptée à notre culture, qui n'est plus chamanique depuis longtemps?

J'ai tendance à croire que le chamanisme est un don que nous avons tous, peut-être plus ou moins... Plus qu'un don reçu, pour ma part je parlerais d'un appel à cette pratique... Ensuite les formations, de préférence auprès de diverses traditions, donnent autant d'outils parmi lesquels choisir, en étant un bon accélérateur de la transmission que l'on pourra aussi recevoir de ses esprits-guides...

Retour au pragmatisme, et à l'idée du diplôme... En soi, un diplôme ne prouve finalement que la capacité à obtenir ce diplôme. Ensuite les résultats peuvent être plus ou moins bons... Et ce sont justement les résultats qui nous intéressent! 

C'est après avoir, en formation, reçu un soin de recouvrement d'âme (voir les soins chamaniques), que mes ressentis m'ont apporté la "preuve" de l'efficacité de ces techniques. Et c'est après avoir pratiqué, toujours dans la même formation, un soin sur une autre personne, qui m'a partagé ses ressentis, que je me suis dit que je ne pouvais que faire profiter d'autres personnes de ce bien-être... Alors oui, même si le terme est péjoratif, je crois que, dans notre culture, les chamans sont tous, au moins à leurs débuts, "auto-proclamés"... Plus tard les résultats peuvent déjà être "vérifiés" par les témoignages de ceux qui ont reçu un soin...

Pour moi la voie chamanique est un chemin personnel que l'on trace soi-même, jour après jour, et la seule répétition d'une technique codifiée lui serait plutôt mortifère... L'absence de diplôme est une garantie d'un cheminement vivant, de la préservation du côté sauvage du chamanisme qui reste relié à la fois à son époque et à la nature...

Vérifier le chamanisme...

La vérification est associée à la démarche scientifique, objective, dont les appareils (même ceux qui sont destinés à mesurer l'énergie) sont faits de matière... Le chamanisme agit au niveau spirituel, le "monde des esprits", c'est à dire l'inconscient collectif... Dont l'existence n'est pas plus vérifiable scientifiquement que celle de l'inconscient individuel, qu'aucune imagerie médicale du cerveau ne nous a montré... Et qui reste malgré tout un concept largement utilisé, avec succès, en psychothérapie...

Il est vrai que l'on peut constater la modification de l'état de conscience, la transe, par électroencéphalogramme (voir à ce sujet cette vidéo de Corinne Sombrun). Mais cela montre juste qu'un chaman est capable de modifier de manière radicale ses ondes cérébrales... Et après?

Le chamanisme est tout aussi inaccessible à nos appareils que le sont nos rêves, expériences pourtant si communes, et si riches...

Nous pouvons donc ranger avec notre antique loupe nos appareils de mesure scientifique... Alors, que nous reste-t-il?

Les expériences partagées, ou transpersonnelles...

Ce que l'on pourrait reprocher au chamanisme, mis à part le fait de ne pouvoir être prouvé scientifiquement, c'est sa subjectivité... Il serait imaginaire... Les résultats pourraient n'être dû qu'à l'effet placebo... Je dirais tout d'abord que, étant donné que dans l'industrie pharmaceutique le placebo, qui est l'étalon auquel on mesure l'effet d'un nouveau médicament, est considéré comme actif dans 25% des cas, cette petite part de guérison qui viendrait de lui est de toutes façons bienvenue! Qu'importe le moyen, l'important est le résultat!

Mais, dans le chamanisme, il y a bien plus: les expériences partagées, encore appelées expériences transpersonnelles, à rapprocher de la psychologie transpersonnelle.

Dans les formations auxquelles j'ai participé, se trouve parmi d'autres l'exercice du "cache-cache chaman" : les "apprentis-chamans" se mettent par paires, et l'un des deux part le premier dans un voyage chamanique au tambour pour aller se cacher dans un des trois mondes (voir la cosmologie chamanique). Un instant plus tard, le deuxième apprenti-chaman part lui-aussi en voyage chamanique pour retrouver celui qui l'a précédé. Les deux reviennent ensuite, et le "chercheur" décrit quel voyage il a fait, et le lieu où il a trouvé le "caché". Ensuite, on inverse les rôles... Et devinez quoi: ça marche!

Comment dans ce cas parler d'imagination, si cet imaginaire est commun à plusieurs personnes? Pour l'instant, nous n'avons pas de meilleure explication que l'existence d'un inconscient collectif, le "monde des esprits" des chamans, dans lequel nous pouvons vivre ces expériences partagées...

Et c'est un phénomène qui ne se limite pas aux exercices des formations, je le rencontre souvent dans les soins, où ce partage d'expérience peut s'étaler sur une période de temps:

  • Lors d'un soin j'ai été étonné de ne pas trouver de "parasite" sur la gorge de la personne (nous avons tous des choses que l'on n'arrive pas à dire, ou que l'on arrive pas à avaler). Je l'ai évoqué dans le débriefing, et la personne m'a dit qu'une médium lui avait enlevé quelque chose, à cet endroit là, trois jours avant...
  • Autre soin sur une femme d'un âge respectable, je trouve sur la partie gauche de son visage un parasite qui résiste à ma première extraction. Utilisation d'une autre technique, extraction cette fois réussie, recouvrement du morceau d'âme lié à cet endroit, et le soin se poursuit... Une fois terminé, j'évoque ce parasite résistant sur la gauche de son visage, et la personne cherche en vain ce que cela pouvait être... Puis cela lui revient: on lui a raconté que lorsqu'elle avait trois ans, elle avait été gravement mordue au visage par un chien, sur le côté gauche. Ses parents ont fait appel à un bon chirurgien, et les enfants cicatrisent bien, ce qui fait qu'elle n'en gardait aucune trace... Du moins, sur le plan physique!
  • Je pourrais citer d'autres cas, comme celui d'un homme qui m'a fait un retour quelques temps après avoir reçu un soin à distance. Il était allé depuis recevoir un soin énergétique, et la thérapeute en question a été "étonnée de l'excellent état de son aura", lui demandant ce qu'il avait fait pour ça...

A propos des soins chamaniques à distance...

Justement, les soins à distance, voilà ce qui peut sembler le moins scientifique du monde!

Mais revenons à notre "logique chamanique": le soin se passe dans "le monde des esprits", c'est à dire l'inconscient collectif. Si on peut - plus par habitude que par preuve scientifique - situer notre inconscient individuel dans notre cerveau, l'inconscient collectif, lui,  n'a pas de lieu: il est partout et nulle part! Par conséquent la distance, en terme géographique, ne peut lui être appliquée. La seule distance est celle de l'état de conscience. Nous sommes par exemple plus près de l'inconscient collectif lorsque nous rêvons, c'est pour cela que nous pouvons retrouver des archétypes (y compris de cultures qui nous sont inconnues) dans nos rêves. Donc, en terme de "distance" à parcourir pour le chaman qui soigne, c'est à dire de modification d'état de conscience, le trajet est le même pour un soin en présence ou à distance!

Des résultats, encore des résultats!

Si dans notre culture le chaman est d'abord auto-proclamé, pour moi ce qui par la suite le définit comme chaman, ce sont ses résultats dont témoignent les personnes qui ont fait appel à ses soins.

Aussi "perché" qu'il puisse sembler être lorsqu'il parle du monde des esprits, d'esprits-guides, d'extractions de parasites, et de recouvrements d'âmes - un jargon de métier comme il en existe dans bien d'autres domaines - un chaman n'a pour objectifs que des résultats concrets dans le bien-être de la personne soignée et dans sa vie dans le monde matériel...

Je me demande, finalement, si ma question de départ était judicieuse... Après tout, à l'instar du rêve, le chamanisme est-il vraiment à vérifier ou, d'une manière plus vivante, à expérimenter?

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